31 janvier 2009

« Je promets du sang, de la sueur et des larmes »

Christine Lagarde, ministre de l'Economie, a reçu le message cinq sur cinq. Pour elle, la crise que nous traversons comporte deux risques majeurs : « des troubles sociaux et un protectionnisme accru de la part des états. »
Qu'elle tienne des propos semblables au lendemain de la grande manifestation nationale (2,5 millions de personnes dans les rues comme sur la photo à Evreux) prouve qu'elle a mieux écouté la rue que le porte-parole-langue-de-bois, Luc Chatel. Il a jugé que la manif avait fait moins recette que celle organisée contre le CPE. M. Chatel peut dire ce qu'il veut, moi je crois ce que je vois et ce que j'ai vu à Evreux, à Rouen et ailleurs, était très édifiant. Des flots de mécontents très heureux d'adresser un avertissement au pouvoir.

Face à l'ampleur du mécontentement, Nicolas Sarkozy mobilise TF1 et France 2 jeudi prochain à 20 heures. Il s'adressera aux Français pour leur dire quoi. On peut prendre le risque d'anticiper : « la crise est grave mais elle est mondiale. Seule une action concertée des vingt pays les plus riches, ou les plus commerçants du monde, peut sauver la situation. Il faut soutenir les banques (NDLR : d'où vient pourtant tout le mal) quel que soit le niveau d'endettement des Etats. Quant aux Français, je leur promets du sang, de la sueur et des larmes. Il va falloir se serrer la ceinture et les coudes comme le dit le maire de Louviers. Vive l'unité nationale ! La situation est périlleuse mais pas désespérée. » De la part d'un homme qui passe son temps à cliver, à trier le bon grain de l'ivraie, à attiser les conflits, à mettre de l'huile sur le feu par ses dérapages verbaux (qu'on interdit aux Français d'ailleurs) l'appel à l'unité sonnerait comme une nouvelle mystification.

Ce que Nicolas Sarkozy ne dira pas, c'est qu'il est déjà à un tournant de son mandat. Que l'année 2009 va être catastrophique pour l'emploi et l'économie, que l'année 2010 ne sera sans doute pas meilleure. Il ne dira pas que les promesses de campagne ne seront pas tenues. Quand tout va mal autour de vous, la communication a ses limites : celles de la crédibilité. Quand on dit tout et son contraire, on ne peut pas rassembler et donner confiance. Et la confiance, c'est ce qui manque. A la Gauche de continuer à travailler, à s'opposer et à proposer. Martine Aubry est sur le bon chemin.

Dire la vérité est utile à celui à qui on la dit…

Nous avons conduit une campagne honnête, sans luxe, avec la certitude de ne pas avoir menti aux Lovériens. (photo JCH)
« Dire la vérité est utile à celui à qui on la dit mais désavantageux à ceux qui la disent parce qu'ils se font haïr ». N'allons-pas jusque là. Il ne s'agit nullement de haine seulement de fidélité aux promesses. La journaliste d'un quotidien régional, en rendant compte de la cérémonie des vœux du maire de Louviers et en fonction des marges de manœuvre qu'implique l'autocensure personnelle en pareil cas, décrit très habilement…l'habileté du maire de Louviers face aux effets d'annonces relatives à la hausse des impôts locaux lovériens. Il dit sans dire, il parle par euphémisme…quand on pense qu'il se réclame de Pierre Mendès France. Imagine-t-on l'ancien président du Conseil et maire de notre ville, mentir par omission ?

J'ai déjà décrit ici la tactique du maire actuel. Depuis l'an dernier et le budget 2008, il sait (lui et son équipe) que le budget 2009 ne passera pas sans augmentation des impôts eu égard aux choix retenus et à la volonté de ne pas amputer certains budgets considérés comme prioritaires par le maire : communication, fêtes et cérémonies etc. Compte tenu de ses promesses de la campagne électorale, de ses affirmations répétées et entendues devant le conseil municipal, les Lovériens avaient retenu un autre message, intégré une autre logique : augmenter les impôts serait un aveu d'échec et un renoncement. On en est pourtant là.

Sommes-nous heureux d'avoir eu raison dès 2007 ? Certes non puisque nous allons devoir, tous ensemble, mettre la main au portefeuille. Simplement, nous sommes assez fiers d'avoir conduit une campagne électorale honnête, sans luxe sans doute, mais avec la certitude de ne pas avoir menti aux Lovériens et finalement de ne pas avoir obtenu leurs voix à n'importe quel prix.

Soutenir Filoche et Schivardi

Alain Rey m'adresse un long texte paru sur le blog de Voie militante (voir adresse ci-après) pour soutenir Gérard Filoche et Gérard Schivardi, l'un pour avoir mis en cause un patron voyou l'autre pour ne pas avoir respecté la loi sur le financement des campagnes électorales lors d'une élection cantonale. Gérard Schivardi mit quelque 400 euros de sa poche, ce qui n'est pas autorisé si on ne fait pas appel à un mandataire financier, un expert comptable et le tuttim.
Les lecteurs de mon blog intéressé par le texte d'Alain Rey peuvent donc le consulter sur le blog de Denis Szalkowski. Il est incarné, motivé, très explicatif sur les faibles marges de la liberté qui reste aux militants des causes en faveur des faibles et des oubliés de la croissance.
http://www.voie-militante.com/divers/soutien/schivardi-filoche

De quoi j'me mêle…même des égoûts de la belle-mère

Le supplément du Monde (le Monde 2) consacre un article de plusieurs pages aux interventions de Nicolas Sarkozy, le président de la République, beau-père de Mme Bruni-Tedeschi, la maman de Carla. Celle-là possède une très belle et très grande propriété au Cap Nègre, sur la côte d'Azur, sur des terres inaccessibles aux quidams et au regard d'autrui. Cette propriété connaît des problèmes d'assainissement. Mais comme les terrains sont sous la coupe d'une association de propriétaires qui doit prendre ses décisions collectivement à 80 % des voix pour être applicables, l'assainissement collectif (le tout à l'égoût comme on dit) qui est appelé à remplacer les fosses septiques individuelles, dont le coût est très élevé, doit évidemment faire l'objet d'un vote ultra-majoritaire.
Devant la réticence de certains co-propriétaires très heureux du fonctionnement de leur assainissement individuel et peu sensibles aux arguments techniques avancés, Nicolas Sarkozy cherche à peser de tout son poids avec préfet, directeur de l'équipement…mais certains des co-propriétaires juristes, retraités avec du temps, sont décidés à ne pas se laisser influencer par ce président qui se mêle de tout même de ce qui ne le regarde pas directement.
Jacques Laisné, ancien préfet de l'Eure, préfet du Var, veut plaire au prince qui nous gouverne et laisse entendre aux récalcitrants qu'ils pourraient bien se retrouver devant un tribunal s'ils n'entendent pas raison. Entendre raison voulant dire se plier aux injonctions du président. Le fait est que l'Etat et la commune sont prêts à mettre beaucoup d'argent dans le projet d'investissement particulièrement délicat s'agissant d'un site protégé.
Si le Monde 2 consacre tant d'espace à cette affaire, c'est tout simplement pour dénoncer le fait que le président de la République sait trouver du temps disponible pour assister à des réunions de co-propriétaires afin de résoudre un problème d'égouts du domaine de sa belle-mère. Quand on vous dit que Nicolas Sarkozy s'occupe de tout, ce n'est pas une simple image !

30 janvier 2009

Un préfet et un commissaire de police virés pour crise de narcissisme aiguë

Je reviens sur les événements de Saint-Lô. Non pas pour m'excuser à nouveau de l'article paru puis disparu mais pour joindre ma voix à celles et ceux (de l'UMP, du PS et d'ailleurs) qui s'insurgent contre la mise hors cadre du préfet de la Manche, d'une part, et la mutation du responsable local de la police. Nicolas Sakozy adore les boucs émissaires. Il adore faire preuve d'autoritarisme : le shérif, c'est moi ! Je l'avais déjà constaté lorsque, ministre de l'Intérieur, il était venu à Bernay pour annoncer une réorganisation de la police et de la gendarmerie dans l'Eure. Aucun manifestant n'avait été autorisé dans un rayon de 500 mètres et il s'était adressé à ses interlocuteurs avec une morgue « qui le préservait de toute sympathie humaine. » (Marcel Proust).
Ainsi, le préfet de la Manche et le commissaire de police de Saint-Lô n'ont pas correctement apprécié la situation et n'ont pas pris toutes les dispositions permettant d'épargner la dignité de sa majesté Sarkozy. Vous rendez-vous compte ? Des gens l'ont sifflé sur son passage ! Il y en a même qui ont jeté leur godasse dans sa direction. Nicolas Sarkozy n'apprécie que les godillots. Il a vu de trop près ceux qui ne l'aiment pas et Môssieu n'a pas supporté. Il a fait une crise. Une crise aiguë de narcissisme et viré les lampistes.
La vie d'un élu, c'est aussi cela : savoir aller au contact du peuple sans l'insulter et en étant capable d'entendre ses cris, ses exaspérations, ses vociférations sans pour autant en appeler à la justice ou aux hommes forts du GIGN ou du RAID. Barack Obama se distingue de certains autres chefs d'Etat par son sang-froid, sa capacité de distance et de recul, et, pour tout dire, par son intelligence. Il ne fera pas tout bien, il fera même des erreurs mais le personnage ne sera jamais bas. J'en prends le pari. Question de classe et de savoir vivre.

Le président UMP du conseil général de la Manche, Jean-François Le Grand, ne mâche pas ses mots : « Je trouve parfaitement lamentable qu'on puisse utiliser un représentant de l'Etat comme si on utilisait un kleenex. C'est scandaleux. C'est une pratique d'un autre temps contreproductive d'un point de vue politique; ce préfet est un très bon préfet qui n'a aucune responsabilité dans cette affaire ».

Où les associations de Louviers vont-elles se réunir ?

La Banque de France mise en vente, la Maison Decrétôt vendue, la cantine municipale transformée en bureaux…ce n'est pas seulement un problème financier. C'est aussi et surtout un problème immobilier. (photo JCH)
J'apprends de la part d'un des responsables d'associations lovériennes que leur vie va devenir plus difficile. Quels sont les besoins d'une association ? C'est simple : il lui faut des bénévoles dynamiques, des membres motivés et un lieu pour les réunir. La commune est là pour satisfaire ce dernier besoin. A Louviers, prenant pour prétexte la situation de crise financière, l'adjointe chargée des relations avec le monde associatif a indiqué à ses responsables que les moyens mis à leur disposition allaient subir une cure d'amaigrissement.
C'est ainsi que le nombre de tirages de documents (à la reprographie) va être limité. Que le forum des associations ne devrait plus se réunir qu'une année sur deux. Que l'accès aux salles municipales se limiterait à celle dite de la Poissonnerie. Que la municipalité d'une ville de 18 000 habitants ne propose qu'une salle de réunion, n'ira pas sans poser de problèmes. Il y aura fatalement collision de dates, d'heures, de jours.
Les associations concourent, il ne faudrait pas l'oublier, à l'animation de la commune, à sa vie démocratique. Elles rassemblent des gens souvent passionnés. La mise à disposition de salles chauffées et éclairées équipées de tables et de quelques chaises ne peut amputer le budget de façon considérable. Je le dis tout net : s'il y a des économies à faire, ce n'est pas dans ce secteur-là qu'il faut chercher. Nous ferons des propositions en temps utile.

L'Année mondiale de l'astronomie

Dans le cadre du 400ème anniversaire de l’utilisation de la lunette astronomique par Galilée (1564-1642) qui lui permit de valider l’hypothèse de Copernic sur l’existence d’un système planétaire centré autour du Soleil, découvrez le site français de l’Année mondiale de l’astronomie.
Retrouvez plus de 300 projets labellisés en France : animations, arts et sciences, théâtre, observations, conférences, expositions, publications, planétarium, audiovisuel, enseignement et formation, expériences, patrimoine, jeu... Prenez également rendez-vous avec les grands événements de l’année comme les pluies d’étoiles filantes (Perséides en juillet-août ou Léonides en novembre), observation à l’oeil nu des planètes (Vénus en janvier ou Mars en février), éclipse de Lune (décembre)...
L’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) a lancé officiellement le 15 janvier dernier l’Année mondiale de l’astronomie à laquelle plus de 130 pays participent.
site : http://ama09.obspm.fr/ama09/

20 000 manifestants dans les rues d'Evreux


Photos prises pendant les incidents entre manifestants et policiers. (droits réservés)
J'étais loin du compte. Sans doute parce que j'étais sous le coup de l'émotion. 15 000 voire 20 000 ! Paris-Normandie a compté les manifestants présents hier à Evreux. Ce fut une belle et grande manifestation, voilà ce qu'on peut affirmer aujourd'hui à tête reposée. Syndicalistes, élus, politiques, ont composé un maelström bon enfant, paisible, convaincu. De ce grand mouvement saluons la solidarité et la camaraderie, la volonté d'adresser un message sérieux au pouvoir.

Et pourtant, un incident a faillé gâcher la journée quand un militant a agressé verbalement certains policiers, lesquels auraient dû faire la sourde oreille et faire preuve d'une distance nécessaire en pareil cas. Au lieu de cela, ils se sont jetés sur le révolté, l'ont mis à terre et traîné jusqu'à une boutique où il a disparu de la circulation. Pendant 45 minutes, les militants du NPA et du Parti de Gauche ont scandé : «libérez notre camarade !». Il a fallu l'intervention d'un négociateur de la CGT pour qu'un accord intervienne : le manifestant a donc été conduit au commissariat de police. Ne doutons pas qu'il sera poursuivi pour outrages aux forces de l'ordre. Ne doutons pas que celles-ci avaient reçu des ordres pour ne rien laisser passer. Pour preuve, le tir de flash-ball sur un jeune qui n'était vraiment pas indispensable !
Passons sur cette anicroche. Retenons la phase historique du mouvement du 29 janvier. Contre la désespérance, contre un pouvoir arrogant, des milliers de salariés et de retraités, du public et du privé ont peut-être donné naissance, hier, à un flux montant vers plus de respect, moins de précarité, plus de reconnaissance du monde du travail. Qu'on en ait ou qu'on n'en ait pas.

29 janvier 2009

« Sarkozy c'est le môme qui a gagné le pompon sur le manège »

« Sa force vitale est impressionnante, mais c'est vraiment un m'as-tu-vu », « un petit gamin heureux d'être au milieu de ses nouveaux jouets, vous savez, le môme qui a gagné le pompon sur le manège. » De qui parle Ségolène Royal dans le livre d'entretiens qu'elle a accordés à Françoise Degois, journaliste bien connue ? De Nicolas Sarkozy évidemment. Et si l'on se souvient de la remarque de Patrick Poivre d'Arvor, à l'origine sans aucun doute de son départ du journal de TF1, lorsqu'il a comparé Nicolas Sarkozy à «un petit garçon au milieu des grands» lors d'un sommet européen, on ne peut qu'être frappé par la vision commune de ces deux observateurs attentifs de la vie publique.
Nicolas Sarkozy — Michel Onfray s'en était rendu compte lors de ses entretiens avec le président de la République — a des traits de personnalité immatures. Cet enfant gâté, à qui on ne refuse rien et qui ne se refuse rien, a horreur de toute opposition et de toute contradiction. Il sait, il peut, il veut. Il fait ses crises. Rama Yade ? Elle ne m'écoute pas : bientôt dehors. Rachida Dati ? Elle a fait le sale boulot : elle sera N°2 en Ile-de-France aux Européennes, et que ça saute. Jean-François Copé ? Moi vivant, il ne sera plus ministre. Besson ? La figure du traitre, «il est bon Besson.» Sarkozy est connoisseur comme disent les Anglais.
Luc Chatel a beau dire que la rancœur et l'amertume mènent Ségolène, je n'en suis pas si certain. Je ne suis ni ségoléniste, ni segolénolatre et encore moins Ségolénien. Mais Il n'y a pas de raison pour qu'elle se trompe à chaque fois qu'elle parle. Comme elle parle beaucoup, il lui arrive de tenir des propos appropriés. Sa vision de Sarkozy a le mérite de la simplicité. Et Ségolène Royal n'est pas la seule à le voir comme ça.

Exceptionnelle ampleur de la manifestation ébroïcienne

5000 ? 7000 ? Que dit la police ? Que disent les manifestants ? Je n'ai pas besoin de statistiques officielles ou officieuses pour affirmer haut et clair que la manifestation ébroïcienne de ce jeudi restera marquée dans les annales. Des milliers (c'est plus facile à écrire) d'enseignants, d'employés, de salariés du public et du privé, de syndicalistes, de politiques, d'élus, se sont retrouvés main dans la main dans les rues de la capitale de l'Eure pour émettre une protestation multiforme. Contre la crise financière, contre la crise sociale, contre le gouvernement, contre ses réformes en faveur des riches, contre les atteintes aux libertés, à la justice, contre la loi sur l'audiovisuel, contre la limitation des droits du Parlement… Mais pour un plan d'aide aux licenciés, aux chômeurs, aux sans abris, aux familles sans le sou, pour un pouvoir d'achat meilleur, pour une autre politique.

Il est rare qu'une foule aussi dense se rassemble dans notre département. Il est rare que des gens qui, jamais pour certains, n'étaient descendus dans la rue s'y retrouvent pour dire « assez ! » aux Fillon-Sarkozy. Si la manifestation a été si réussie c'est parce que la majorité habituellement silencieuse a compris qu'il convenait de montrer les crocs et, s'il le fallait, de faire comprendre qu'elle mordrait un jour. Ce 29 janvier est un avertissement sérieux pour ceux qui gouvernent et surtout pour celui qui gouverne tout, veut tout dominer, tout régenter.

Le dialogue ? Connais pas. La concertation ? Connais pas. La manifestation ? Je n'en tiens pas compte. Et pourtant de sérieuses revendications ont été avancées aujourd'hui : la défense de l'emploi, l'augmentation des salaires, la défense des services publics, pour une sécurité sociale solidaire, pour des politiques publiques en faveur d'une vraie relance économique, pour la liberté du droit syndical sans discrimination, sans répression. Ces millions de Français, de Françaises et de travailleurs étrangers ne pourront être ignorés très longtemps. Sinon…

Michel Doucet prévoit le pire pour les finances de la ville de Louviers

Dans un entretien qu'il a accordé à La Dépêche, Michel Doucet, conseiller municipal PS, prévoit le pire. Pour lui, le maire devra augmenter les impôts de Louviers d'au moins deux chiffres s'il ne veut pas aller dans le mur. Pour résumer cette interview, retenons deux ou trois points mis en évidence par l'ancien adjoint aux finances de Franck Martin : pendant des années, il a dû lutter pour éviter l'inflation de dépenses du maire. Pendant des années, il a dû lutter, sans obtenir gain de cause d'ailleurs, pour tenter de diminuer les dépenses de communication et de cabinet.
Il explique que c'est, en partie, pour ces raisons qu'il a accepté de rejoindre la liste d'opposition (PS-PC-Sans parti) plutôt que de repartir sur la liste du maire qui a conduit les finances de la ville dans le rouge et fait de fausses promesses. Michel Doucet est évidemment très compétent dans un domaine qui fut celui de toute sa vie professionnelle. Spécialiste des collectivités locales dans une grande banque française, il était la crédibilité de l'ancienne municipalité et sa compétence un gage de confiance. Ses propos d'aujourd'hui n'en ont que plus de valeur.
Lui parti de la municipalité, ne demeure que le caractère incantatoire du maire avec ses formules à la Eric Woerth, ministre du budget. Ce dernier déclare : « Les français ont peur d'avoir peur ». Franck Martin réplique : « Ce qui est dangereux, c'est la crainte de la crainte ». Moi je leur dis : tout cela c'est des écrans de fumée et des propos creux, la réalité est bien plus terrible. Il serait temps qu'on ne la cache plus aux Français ni aux Lovériens. Il va falloir payer. Et cher !

Légende de la photo : Michel Doucet, au sein de la section socialiste de Louviers, à l'occasion du dépouillement du vote sur les motions. (photo JCH)

Maurice Allais et le libre échangisme, « une idéologie aussi funeste qu'erronée »

Maurice Allais est l'un des esprits les plus brillants de notre temps. A la fois physicien et économiste, il a réussi à imprimer sa marque dans ces deux disciplines et il est le seul économiste français à avoir obtenu le Prix Nobel de Sciences Economiques (1988). Aussi bien en Physique qu'en Economie, il a passé sa vie à rechercher l'anormal, l'exceptionnel et à redresser ce qu'il pouvait y avoir de faux dans les idées reçues. (source site des élèves et amis de Maurice Allais).
En ce jour de grève générale, je considère que ce texte éclaire bien les choix de nos économistes et les résultats catastrophiques que nous venons de connaître (banques, capitalisation,bonus énormes) qui se traduisent par des suppressions d'emplois, des délocalisations, des licenciements
.
J'ai trouvé ce texte de Maurice Allais sur le site du journal Le Monde. Le prix Nobel y donne la preuve que les dysfonctionnements qui ont abouti à la crise financière et donc à la crise économique et sociale de l'automne dernier, ne sont pas tombés du ciel mais étaient connus des spécialistes depuis des années. Les lignes qui suivent datent de 1998. C'était il y a dix ans ! C'est lumineux, intelligent, prémonitoire…

De profondes similitudes
« De profondes similitudes apparaissent entre la crise mondiale d'aujourd'hui et la Grande Dépression de 1929-1934 : la création et la destruction de moyens de paiement par le système du crédit, le financement d'investissements à long terme avec des fonds empruntés à court terme, le développement d'un endettement gigantesque, une spéculation massive sur les actions et les monnaies, un système financier et monétaire fondamentalement instable (...).
Ce qui est éminemment dangereux, c'est l'amplification des déséquilibres par le mécanisme du crédit et l'instabilité du système financier et monétaire tout entier, sur le double plan national et international, qu'il suscite. Cette instabilité a été considérablement aggravée par la totale libération des mouvements de capitaux dans la plus grande partie du monde.
(...) Depuis 1974, une spéculation massive s'est développée à l'échelle mondiale. A New York, et depuis 1983, se sont développés à un rythme exponentiel de gigantesques marchés sur les "stock-index futures", les "stock-index options", les "options on stock-index futures", puis les "hedge funds" et tous "les produits dérivés" présentés comme des panacées (...).

Qu'il s'agisse de la spéculation sur les monnaies ou de la spéculation sur les actions ou de la spéculation sur les produits dérivés, le monde est devenu un vaste casino où les tables de jeu sont réparties sur toutes les longitudes et toutes les latitudes. Le jeu et les enchères, auxquelles participent des millions de joueurs, ne s'arrêtent jamais. Aux cotations américaines se succèdent les cotations à Tokyo et à Hongkong, puis à Londres, Francfort et Paris. Sur toutes les places, cette spéculation, frénétique et fébrile, est permise, alimentée et amplifiée par le crédit. Jamais dans le passé, elle n'avait atteint une telle ampleur (...).

De gigantesques pyramides de dettes
L'économie mondiale tout entière repose aujourd'hui sur de gigantesques pyramides de dettes, prenant appui les unes sur les autres dans un équilibre fragile. Jamais dans le passé une pareille accumulation de promesses de payer ne s'était constatée. Jamais sans doute il n'est devenu plus difficile d'y faire face. Jamais sans doute une telle instabilité potentielle n'était apparue avec une telle menace d'un effondrement général.» (texte de 1998).

Je rappelle le titre de l'un de ses livres parmi les plus importants sur la mondialisation, La destruction des emplois et de la croissance : « La Crise mondiale aujourd'hui » est un ouvrage publié en 1999 aux Éditions Clément Juglar, 62, Avenue de Suffren 75015 Paris. Le lecteur intéressé devra acheter l'ouvrage. De nombreuses librairies existent sur le net. Citons par exemple : http://www.alapage.com/ qui possède ce livre dans son catalogue.
Dès la page de garde, Maurice Allais donne le ton : « Ce livre est dédié aux innombrables victimes dans le monde entier de l'idéologie libre-échangiste mondialiste, idéologie aussi funeste qu'erronée et à tous ceux que n'aveugle pas quelque passion partisane. »

28 janvier 2009

11 000 morts par an par maladies nosocomiales !

Une discussion avec un ami, ce matin, m'a conduit à m'intéresser au bilan annuel des maladies nosocomiales dans les hôpitaux publics français. J'ai été effaré par les données trouvées sur des sites fiables. Je dois, en effet, faire attention à ne pas m'égarer sur des sites fantoches ou fantaisistes.
En 2006, 100 000 malades ont contracté une maladie nosocomiale à l'hôpital. 11 000 d'entre eux en sont morts « soit l'équivalent d'un Airbus qui s'écrase chaque semaine » commente Henri Dubost, de Novopress. Si on compare ce chiffre à celui des morts sur les routes (5 000) on constate que notre Président devrait s'attaquer à ce fléau et faire diminuer les risques dans des lieux utilisés par des personnes animées d'un objectif : soigner. Et si possible, guérir. Mais l'amélioration du fonctionnement (et de l'accueil) de l'hôpital public aurait des conséquences financières évidentes à comparer avec les recettes des radars automatiques (ou non) qui pompent les points et l'argent de l'automobiliste moyen, celui qui roule à 91 Km/heure au lieu de 90 ! En 2007 on estime les recettes des radars à 660 millions d'euros !
Que peut-on faire pour lutter contre les maladies nosocomiales, ces maladies que l'on contracte à l'hôpital ? Se laver les mains des dizaines de fois par jour, changer de gants aussi souvent qu'on change de patient, désinfecter les chambres, les espaces «soignants», les blocs, les salles de réveil…mettre au point des procédures de prévention contraignantes, renouveler les vêtements et les chaussures, inviter les visiteurs à accomplir certaines actions…C'est compliqué, c'est certainement cher, en argent et en temps, mais face à un tel bilan annuel (qui ne va pas en s'améliorant) les politiques, les médecins, les infirmières et les aides-soignant(e)s devraient faire de la lutte contre ces maladies une priorité sanitaire nationale.
Nous avons tous eu dans notre famille un père, un neveu, un enfant, une cousine…que sais-je, victime d'une maladie nosocomiale. Face aux résistances des antibiotiques, certaines maladies sont d'ailleurs impossibles à guérir d'où ce taux de mortalité très élevé. L'hôpital public mérite plus et mieux.

« Et une manipulation de plus » ! Par Laurent Fabius

Didier Marie (président du conseil général de Seine-Maritime) Laurent Fabius, Christophe Bouillon (député de Seine-Maritime) et Valérie Fourneyron (député-maire de Rouen) au congrès de Reims. (photo JCH)
« Un des prochains grands débats en France portera sur la réforme territoriale. Quelles compétences pour quels territoires ? Quelle répartition entre les collectivités locales et l’Etat ? Avec quels financements ? Et pour quelle démocratie locale ? Toutes ces interrogations sont légitimes, elles appellent, selon moi, une nouvelle étape de décentralisation, guidée par les principes de démocratie, d’efficacité et de simplicité.
Mais attention ! Ce qui intéresse l’egoprésident, c’est moins les réponses à ces questions qu’une seule préoccupation : le changement des modes de scrutin afin d’en tirer un bénéfice électoral.
Le mode actuel d’élection des régions est proportionnel avec une prime majoritaire pour la liste arrivée en tête. Ce système est équitable. Il assure l’existence de majorités stables. Il permet le respect de la parité. Seulement voilà ! Ce mécanisme a permis, puisque les électeurs on ont décidé ainsi, que la quasi totalité des régions soient dirigées depuis quelques années par la gauche et par les verts. Situation, on l’imagine, insupportable pour le sarkozisme. C’est donc cela que l’egoprésident veut changer.
Pour y parvenir, la droite veut proposer que désormais les conseillers régionaux soient remplacés par des “conseillers territoriaux”, élus selon un autre mode de scrutin : soit le scrutin majoritaire au niveau des cantons, favorable à la droite, soit ce scrutin dans les cantons ruraux et un scrutin proportionnel dans les zones urbaines afin que, même dans ces zones favorables à la gauche, la droite trouve son avantage. On invoque les grands principes, mais on organise de petites manoeuvres. Ce qui intéresse en réalité le pouvoir, c’est le basculement à droite de plusieurs régions, avec redécoupage de celles-ci si nécessaire pour favoriser cet objectif.
Bien sûr, le Gouvernement habille tout cela. Il prétend qu’on réalisera ainsi des économies : balivernes ! Qu’on coordonnera mieux départements et régions : en réalité on tue la région si on la fait dépendre d’intérêts cantonaux. Et il balaie l’exigence de parité : aux partis de l’organiser. Avantage supplémentaire pour la droite, cette “réforme” permettrait de repousser d’un an le déroulement du scrutin, avec l’espoir que la conjoncture en 2011 lui sera moins défavorable. »
Laurent Fabius


J’entends déjà les réactions du pouvoir à ces observations. “Comment ? Nous vous parlons d’une grande réforme des territoires et vous répondez mode de scrutin ! Quelle étroitesse d’esprit !” Mais c’est exactement l’inverse. C’est la droite qui veut ce magouillage.. L’apparence, c’est la réforme des territoires, la réalité, c’est une volonté de manipulation électorale. Une de plus. Une de trop.

« Moi vivant » ou l'humiliation de Jean-François Copé

« Moi vivant, il n'y aura pas d'augmentation de la redevance » avait déclaré en novembre Jean-François Copé. Et voilà que les sénateurs, sans crier gare et surtout, sans prendre de consigne auprès des responsables de l'UMP, viennent de faire passer la redevance TV de 116 à 120 euros (sur proposition du PS) et que les députés UMP ont décidé de suivre, comme on dit au poker. En 2008, en 2009, en 2010, la redevance augmentera au rythme de l'inflation voire plus. Constatation : Jean-François Copé aurait mieux fait de se taire.
On ne va quand même pas envoyer un rouleau compresseur pour lui rouler dessus et qu'il passe, le pauvre, de vie à trépas. Les cimetières seraient remplis des corps d'hommes politiques qui ont déclamé « moi vivant…» et qui ont dû, ou s'excuser dans le meilleur des cas, ou faire pâle figure dans les autres.
Il se trouve, en ces jours troublés, que les responsables UMP (ministres, secrétaires d'Etat, députés…) se livrent à une véritable course à l'erreur : Bachelot, Copé, Sarkozy…c'est à celui ou celle qui sortira la plus grosse énormité. Malheureusement pour eux et elles, leurs affirmations ne pourront pas concourir pour le prix de l'humour car elles en manquent cruellement.
Même Copé a osé corriger le président, aujourd'hui, en affirmant que, ce jeudi 29 janvier « Les Français vont s'apercevoir qu'il y a des grèves en France. » Le rival potentiel du président est content de pouvoir le vanner. L'occasion était trop belle, il est vrai, puisque «lui aussi compatit avec les Français frappés par la crise». Il n'y a guère qu'un politologue comme Roland Cayrol, sur France 5, pour assurer sans rire « que les Français n'en sont pas encore à accuser le gouvernement et le président d'être les fauteurs de crise. Pour eux, c'est la mondialisation qui est en cause. »
Sacré Roland Cayrol entouré des ineffables Dominique Reynié (professeur à sciences po mais le Monde Diplo a révélé ses liens avec l'UMP) Gérard Grunberg (spécialiste de l'histoire du PS qu'il a quitté en son temps) et de l'inévitable Christophe Barbier, un jeune homme talentueux, rédacteur en chef de l'Express, qui ose prévoir une tempête au sein de l'UMP, que Sarkozy soit réélu en 2012 ou non.
Le désarroi s'empare donc de la droite. C'est normal. Jusqu'aujourd'hui, elle avait un boulevard. Les Français n'ont pas osé se désavouer trop rapidement. Surtout les couches populaires. Mais avec le temps, Nicolas sarkozy commence à toucher les dividendes du mécontentement. Des milliards pour les banques, un pasquet fiscal pour les riches…et les autres ? « Ils peuvent crever ! » pourrait dire Mme Bachelot.

27 janvier 2009

Roselyne Bachelot, la poissarde de service

Dans ce gouvernement Fillon, il y a de tout. Des défroqués du socialisme, des « issues de la diversité » qui y retournent, des NKM qui deviennent NTM, et une poissarde en chef qui excelle dans la grossièreté. Roselyne Bachelot a le mérite de parler franc et de dire tout haut ce que les autres ministres se disent tout bas dans la cour de l'Elysée.
Elle a souhaité à Martine Aubry de « se casser la gueule » à la tête du PS. Il est vrai que le chef avait montré la voie avec le célèbre « casse toi pov' con ». Ces grossiers personnages qui devraient inspirer le respect (au moins celui de la fonction) se laissent aller à leurs instincts les plus primitifs et oublient de se retenir en public. En privé, ils peuvent dire tout ce qu'ils veulent même les pires âneries ou les pires insolences. Mais quand un ministre, dans sa fonction de ministre, en vient à évoquer le sort du chef de l'opposition de Gauche devant la presse en ces termes cela peut avoir plusieurs sens. Une perte de sang froid face à une situation qui lui échappe, une énormité…normale chez Roselyne Bachelot qui n'a jamais fait preuve de distinction, ou, pire encore, une parole lâchée à dessein sur ordre du monarque pour mettre de l'huile sur le feu en pleine motion de censure et avant un jeudi social, protestataire et bien noir.

Je pencherais plutôt pour cette dernière solution. Le RPR-UMP a une longue histoire de provocations. Leurs militants connaissent toutes les ficelles du combat sémantique et les ministres ne sont pas les derniers à aller au charbon. En insultant Martine Aubry, Roselyne Bachelot souhaite placer le débat au ras…du caniveau. Et là, je l'avoue, elle est invincible.

Au bout du chemin : l'empire déchu et Waterloo

La tactique de Sarkozy c'est la tactique du coucou. S'installer dans le nid de l'adversaire, adopter ses postures, débaucher ses traitres, utiliser sa rhétorique avec un seul objectif : écraser la couvée. Face au mouvement de protestation de jeudi, le président fait monter ses troupes au créneau : que tout cela est bel et bon, il faut bien que les syndicats se fassent entendre. Hortefeux n'est pas surpris. Guéant trouve cela normal. Ecoutez-les chanter.

Mais ils chantent faux. Au fond d'eux-mêmes, ils enragent parce qu'ils savent que les manifestations vont être puissantes, que la grogne est sincère, que le mécontentement dépasse les rangs de la gauche syndicale et politique. Bayrou a voté la censure. Les Villepinistes n'adopteront pas la réforme du règlement de l'Assemblée nationale…le paysage change, Sarkozy n'a pas encore perdu la main mais on sent bien qu'il n'est plus aussi sûr de lui…ses saillies devant le congrès de l'UMP n'en font plus le président de la France mais seulement le chef de la droite dure. Les Européennes vont être difficiles pour le PS, elles risquent d'être catastrophiques pour l'UMP et ses alliés.

Le phénomène est connu : plus les grèves vont être nombreuses et diversifiées, plus le pouvoir va se raidir et jouer le durcissement. Plus le pouvoir va vouloir régenter la presse, la justice, la police…plus il va favoriser une opposition qui, depuis plus de 18 mois, n'était pas audible. En portant atteinte aux droits fondamentaux des contre-pouvoirs et des citoyens, Sarkozy suit sa pente naturelle de bonapartiste avec au bout du chemin l'empire déchu et Waterloo. Sachons patienter.

Bruno Le Maire, tête de liste UMP aux régionales

Les têtes de liste de l'UMP aux prochaines élections régionales se font connaître. C'est ainsi que Bruno Le Maire, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, ancien député d'Evreux, sera le rival d'Alain Le Vern en Haute-Normandie. On ne peut pas dire que Bruno Le Maire ait labouré la région. S'il connait les limites de sa circonscription, il aura fort affaire pour venir à bout d'une liste de la Gauche unie, compte tenu de l'ignorance dans laquelle le tiennent les habitants de la Seine-Maritime.
Il est vrai, également, que l'action d'Alain Le Vern, en collaboration avec les présidents de conseils généraux de Seine-Maritime et d'Eure, a permis d'engager des politiques communes efficaces et concrètes, notamment dans les domaines des transports, de l'environnement, du tourisme, du sport etc…Et puis, Bruno Le Maire va trop vite en besogne. Dans un journal de l'UMP « Réussir ensemble » les militants sarkozystes de Seine-Maritime le présente comme député-maire d'Evreux en écorchant son nom au passage (Lemaire n'est pas Le Maire). Député, il l'était, maire d'Evreux, il aurait bien aimé l'être mais Jean-Pierre Nicolas a fait barrage de son nom et de son non. Le maire c'est Michel Champredon, ex-PS.
Gageons que les candidats du Nouveau Centre d'Hervé Morin ne se laisseront pas facilement intimider et qu'ils défendront leur peau, notamment dans l'Eure, avec une certaine pugnacité.

La journée d'Enzo, élève de cours préparatoire, septembre 2012

Cette projection est fondée sur les textes actuels du Ministre Darcos, les expérimentations en cours et les annonces du gouvernement. Ce texte est évidemment une fiction mais il arrive que la fiction devienne réalité…

« Enzo est assis à sa place, parmi ses 32 camarades de CP. Il porte la vieille blouse de sonfrère, éculée, tâchée, un peu grande. Celle de Jean-Emilien, au premier rang, est toute neuve et porte le logo d'une grande marque. La maîtresse parle, mais il a du mal à l'entendre, du fond de la classe. Trop de bruit. La maîtresse est une remplaçante, une dame en retraite qui vient remplacer leur maîtresse en congés de maternité. Il ne se souvient pas plus de son nom qu'elle ne se souvient du sien. Sa maîtresse a fait la rentrée, il y a trois semaines, puis est partie en congés. La vieille dame de 65 ans est là depuis lundi, elle est un peu sourde, mais gentille. Plus gentille que l'intérimaire avant elle. Il sentait le vin et criait fort. Puis il expliquait mal. Du coup Enzo ne comprend pas bien pourquoi B et A font BA, mais pas dans BANC ni dans BAIE ; ni la soustraction ; ni pourquoi il doit connaître toutes les dates des croisades. On l'a mis sur la liste des élèves en difficulté, car il a raté sa première évaluation. Il devra rester de 12 à 12 h 30 pour le soutien. Sans doute aussi aux vacances. Hier, il avait du mal à écouter la vieille dame, pendant le soutien ; son ventre gargouillait. Quand il est arrivé à la cantine, il ne restait que du pain. Il l'a mangé sous le préau avec ceux dont les parents ne peuvent déjà plus payer la cantine. Il a commencé l'école l'an dernier, à 5 ans. L'école maternelle n'est plus obligatoire, c'est un choix des mairies et la mairie de son village ne pouvait pas payer pour maintenir une école. Son cousin Brice a eu plus de chance : il est allé à l'école à 3 ans, mais ses parents ont dû payer. La sieste, l'accueil et le goûter n'existent plus, place à la morale, à l'alphabet ; il faut vouvoyer les adultes, obéir, ne pas parler et apprendre à se débrouiller seul pour les habits et les toilettes : pas assez de personnel. Les enseignants, mal payés par la commune, gèrent leurs quarante élèves chacun comme une garderie. L'école privée en face a une vraie maternelle, mais seuls les riches y ont accès. Mais Brice a moins de mal, malgré tout, à comprendre les règles de l'école et ses leçons de CP. En plus, le soir il va à des cours particuliers, car ses parents ne peuvent pas l'aider pour les devoirs, ils font trop d'heures supplémentaires. Mais Enzo a toujours plus de chance que son voisin Kévin : il doit se lever plus tôt et livrer les journaux avant de venir à l'école, pour aider son grand-père, qui n'a presque pas de retraite. Enzo est au fond de la classe. La chaise à côté de lui est vide. Son ami Saïd est parti, son père a été expulsé le lendemain du jour où le directeur (un gendarme en retraite choisi parle maire) a rentré le dossier de Saïd dans Base Élèves. Il ne reviendra jamais. Enzo n'oubliera jamais son ami pleurant dans le fourgon de la police, à côté de son père menotté. Il parait qu'il n'avait pas de papiers...Enzo fait très attention : chaque matin il met du papier dans son cartable, dans le sac de sa maman et dans celui de son frère. Du fond, Enzo ne voit pas bien le tableau. Il est trop loin, et il a besoin de lunettes. Mais les lunettes ne sont plus remboursées. Il faut payer l'assurance, et ses parents n'ont pas les moyens. L'an prochain pour aller à l'école, Enzo devra se lever plus tôt pour prendre le bus, et rentrer plus tard. L'EPEP (établissements publics d'enseignement primaire) qui gère son école a décidé de regrouper les CE1 dans le village voisin, pour économiser un poste. Ils seront 36 par classe. Que des garçons. Les filles iront dans une autre école.
Enzo se demande si après le CM2 il ira au collège ou, comme son grand frère Théo, en centre de préformation professionnelle. Peut-être que les cours en atelier seront moins ennuyeux que toutes ces leçons à apprendre par coeur. Mais sa mère dit qu'il n'y a plus de travail, que ça ne sert à rien. Le père d'Enzo a dû aller travailler en Roumanie, l'usine est partie là-bas. Il ne l'a pas vu depuis des mois. La délocalisation, ça s'appelle, à cause de la mondialisation. Pourtant la vieille dame disait hier que c'est très bien, la mondialisation, que ça apportait la richesse. Ils sont fous, ces Roumains !
Il lui tarde la récréation. Il retrouvera Cathy, la jeune soeur de maman. Elle fait sa deuxième année de stage pour être maîtresse dans l'école, dans la classe de monsieur Luc. Il remplace monsieur Jacques, qui a été renvoyé, car il avait fait grève. On dit que c'était un syndicaliste qui faisait de la pédagogie. Il y avait aussi madame Paulette en CP, elle apprenait à lire aux enfants avec des vrais livres, un inspecteur venait régulièrement la gronder, elle a fini par démissionner. Cathy a les yeux cernés : le soir elle est serveuse dans un café, car sa formation n'est pas payée. Elle dit : « A 28 ans et un bac +5, servir des bières le soir et faire la classe la journée, c'est épuisant. » Surtout qu'elle dort dans le salon chez Enzo, elle n'a pas assez d'argent pour se payer un loyer. Après la récréation, il y a le cours de religion et de morale, avec l'abbé Georges. Il faut lui réciter la vie de Jeanne d'Arc et les dix commandements par coeur. C'est lui qui organise le voyage scolaire à Lourdes, à Pâques. Sauf pour ceux qui seront convoqués pour le soutien…
Enzo se demande pourquoi il est là. Pourquoi Saïd a dû partir. Pourquoi Cathy et sa mère pleurent la nuit ? Pourquoi et comment les usines s'en vont en emportant le travail ? Pourquoi ils sont si nombreux en classe ? Pourquoi il n'a pas une maîtresse toute l'année ? Pourquoi il devra prendre le bus ? Pourquoi il passe ses vacances à faire des stages ? Pourquoi on le punit ainsi ? Pourquoi il n'a pas de lunettes ? Pourquoi il a faim ? Est-ce l'école que nous voulons ?

(texte repris d’une diffusion de la liste contre base élève de L’Aveyron) Groupe Départemental 44, Revue L'Emancipation Syndicale & Pédagogique-Emancipation Tendance intersyndicale
c/o FSU - 8 place de la Gare de l'Etat - 44276 Nantes cédex 2 emancipationgd44@no-log.org
http://www.emancipation.fr/emancipa/ http://pays-de-la-loire.emancipation.fr/

Légende photo : des lycéens de Louviers manifestent contre la réforme Darcos. (photo JCH)

Nous serons des millions dans la rue jeudi 29 janvier

La journée de protestation de jeudi 29 janvier s'annonce comme un cru exceptionnel. Selon certains sondages, de 65 à 75 % de la population française ont des sympathies pour le mouvement de grève suscité par une forte union des syndicats, qu'ils représentent la fonction publique ou le privé. La nouveauté ? L'appel clair et pressant des partis politiques de gauche. La rue doit faire entendre sa voix à ce pouvoir sourd. Déjà à l'Assemblée nationale, les députés socialistes rejoints par les communistes et les Verts, ont montré qu'on pouvait faire reculer la majorité. Le travail du dimanche est reporté à des jours meilleurs (pour Sarkozy) et les lycéens ont acculé Darcos à annuler sa réforme mal discutée, mal préparée, mal expliquée.
Etre dans la rue, ce jeudi, c'est dire non au boulet-paquet fiscal, c'est refuser que l'Etat soutienne les banques sans qu'il ait son mot à dire sur l'utilisation de l'argent public, c'est protester contre le pouvoir d'achat qui baisse baisse et contre le chômage (boursier ou de circonstance) qui continue de s'aggraver. C'est faire savoir au pouvoir des Sarkozy-Fillon-Bertrand que les Français entrent en capacité de résistance. Ils seront des millions dans la rue. Il faudra bien en tenir compte.

26 janvier 2009

Victime d'un canular

Comme dirait mon ami Christophe Bonnevault, sur Internet, tout va très vite. Une source fiable m'ayant adressé la lettre d'une professeur soi-disant présente à la visite de Nicolas Sarkozy à Saint-Lô, je l'ai publiée sans prendre la précaution de vérifier la source…de ma source. Il se trouve qu'il s'agissait d'un canular. Le texte était vraisemblable d'où mon erreur et mes excuses à mes lecteurs. J'ai évidemment supprimé ce texte de mon blog. Et merci à Christophe Bonnevault pour sa vigilance et le talent qu'il manifeste pour humer les mauvaises blagues. Je ne peux pas affirmer qu'on ne m'y reprendra plus même si j'essaierai d'éviter une nouvelle mésaventure. Tout va si vite sur Internet. Parfois trop.

Quand on a des petits moyens on ne peut servir de grandes causes

J'étais prêt à attendre jusqu'à demain pour en parler mais je ne résiste pas au plaisir de vous faire part dès ce soir du comportement de Jean-Michel Baylet, le chef des radicaux de gauche. Il a regretté, aujourd'hui, avoir été éconduit «violemment» par François Bayrou, président du MODEM, à qui il proposait de faire liste commune lors des prochaines élections européennes. Le leader du MODEM, écartant d'un revers de main la proposition de discussion du responsable national du PRG, a mis en avant son indépendance et son « ni droite ni gauche » pour justifier son refus d'engager le dialogue avec des radicaux dont il n'a vraiment pas besoin eu égard au score (12-13 %) que lui accordent les sondages d'intentions de vote.
Baylet s'est rendu compte, ce jour, «qu'il y avait toujours eu des différences sensibles entre les chrétiens démocrates et les républicains laïques». Impayable Baylet. Il s'est même souvenu qu'il existait un Parti socialiste vers lequel il a décidé de se tourner pour grapiller quelques sièges. Il va proposer une rencontre à Martine Aubry qui, telle que je la connais, doit attendre Baylet comme on attend le Messie. Je plaisante évidemment.
J'ai eu, au cours de ma carrière, l'occasion de rencontrer M. Baylet, patron de presse et PDG de La Dépêche du Midi. C'était en 1994. Je défendais les intérêts des salariés de «La Dépêche» en règlement judiciaire devant le tribunal de commerce d'Evreux et mes faveurs allaient (naïvement) à la création d'une Coopérative ouvrière qui aurait permis aux salariés d'assumer eux-mêmes leur destin. M. Baylet fit une proposition de rachat jugée ridiculement basse financièrement comparée à celle de Philippe Hersant que je ne défendais pas, oh cela non ! Mais quand on a des petits moyens, on ne peut servir de grandes causes. Et Baylet repartit à Toulouse comme il était venu. Les mains vides.

Malek Boutih attend un appel de l'Elysée

Ne nous y trompons pas. Le discours «gauchi» de Nicolas Sarkozy devant les adhérents de l'UMP n'a qu'un but tactique : gêner encore un peu plus la Gauche et le Parti socialiste. Ne nous y trompons pas. Il va poursuivre sa politique de débauchage et il semble bien que des poissons sans vraie colonne vertébrale idéologique — et considéré finalement comme du menu fretin — soient prêts à se faire prendre dans les mailles du filet. Malek Boutih est mûr pour la trahison. Son interview donné au Parisien libéré est de ces textes volontairement excessifs écrits dans un seul but : plaire au prince qui nous gouverne. Gageons que le prince saura à qui il a affaire…
Tout y est : les clichés, les banalités, les agressions gratuites, l'attaque sur le passéisme (manque le musée d'Epinay) la volonté de nuire à Martine Aubry…Malek Boutih, dit-on, devait entrer dans le gouvernement lors du dernier remaniement mais sa proximité avec Julien Dray a empêché le pendule d'aller au bout de son mouvement. C'est dingue : les Fadela Amara (notre photo) les Malek Boutih, les potes d'SOS Racisme et de Ni putes ni soumises qui se réclamaient de la gauche sont tombés subitement à droite en découvrant les vertus du Sarkozysme. C'est du Besson tout craché avec son identité nationale, ses 26 000 reconduites à la frontière et son lapsus sur «l'invasion venue d'Afrique» : « Nicolas Sarkozy est l'homme de la situation. Je pense comme lui. » Où est le hic ? Sarkozy est de gauche ou Besson est de droite. Comme on connait le premier depuis 30 ans, on l'a jugé sur pièces et sur déclarations : Sarkozy n'est pas de gauche. Il singe la Gauche. Il marche sur les brisées de la Gauche. Jusqu'à quand ? Jusqu'où ? On aura un début de réponse jeudi. Les Français, dans la rue, lui diront qui il est, s'il ne le sait pas encore. Quant à Besson, il finira tôt ou tard, à la poubelle de l'histoire…

Tous à la manifestation du 29 janvier

Le Bel ébat est le lieu de rendez-vous de la manifestation de jeudi. (photo JCH)
Le pouvoir est inquiet. La journée du 29 janvier s'annonce, en effet, comme une journée de mobilisation qui va faire date. L'ensemble des organisations syndicales représentatives, la plupart des partis politiques de gauche dont le Parti socialiste, appellent à descendre dans la rue pour faire connaître son opposition à la politique économique et sociale conduite par le gouvernement Fillon-Sarkozy.
Les députés socialistes ouvriront la semaine de protestation par le dépôt d'une motion de censure, mardi, qui permettra d'expliquer en quoi un gouvernement de gauche pourrait proposer une autre politique.
La motion de censure n'a aucune chance d'être approuvée ce qui n'est pas grave. L'important est qu'elle soit discutée. La vraie censure du gouvernement, elle se produira jeudi dans les grandes villes de France où le mécontentement s'exprimera tranquillement mais avec la force de la conviction. Nicolas Sarkozy a eu l'impudence d'affirmer : « aujourd'hui, en France, quand il y a une grève, personne ne s'en aperçoit. » Sachons lui prouver qu'il a tort de jouer les bravaches.
Dans l'Eure, le rendez-vous est fixé jeudi 29 janvier à Evreux à 14 heures, au Bel Ebat, non loin du magasin Cora.

25 janvier 2009

«L'opposition est là pour empêcher la majorité de faire trop de bêtises»

En invitant Claude Goasguen, député UMP de Paris, Roger Karoutchi, ministre des Relations avec le Parlement, Jean-Luc Mélenchon, sénateur (Parti de Gauche) et Arnaud Montebourg (député PS) Serge Moati savait qu'il allait «pourrir» son émission Ripostes de ce dimanche sur France 5. Goasguen et Karoutchi sont les caricatures du débat pseudo-démocratique. Quand ils entendent le mot Gauche, ils sortent leur révolver c'est-à-dire leur morgue, leur aversion, leur exécration de tout ce qui ressemble, de près ou de loin, à la Gauche.

Que voulait Serge Moati ? Faire comprendre aux téléspectateurs pourquoi le groupe socialiste de l'Assemblée nationale a fait le siège du…fauteuil du président de l'Assemblée nationale, mardi dernier, et pourquoi les députés PS ont entonné La Marseillaise. La réponse est simple. L'opposition — on connait bien cela aussi à Louviers — n'a pas cent moyens à sa disposition pour s'opposer. Face à des majorités pléthoriques, l'opposition dispose de la parole et donc du temps de parole. Si on encadre (on limite) ce temps de parole, on prive la Gauche (notamment) d'un temps d'explication nécessaire pour que le pays à l'écoute comprenne ce qui se joue. Quand les députés PS déposent 200 fois le même amendement, ils n'ont pas l'intention de le discuter 200 fois. Ce qu'ils cherchent à faire, c'est à disposer d'un temps suffisamment long pour que les médias s'emparent de leur parole et la répercutent dans le pays. C'était ce qu'ils souhaitaient faire autour de l'article 13 de la loi organique sur le règlement intérieur de l'Assemblée nationale.

Est-ce satisfaisant ? Bien sûr que non. Cela prête le flanc à ce que la droite appelle une manœuvre d'obstruction alors qu'il ne s'agit que d'une volonté d'explication. D'ailleurs, quand elle était minoritaire, la droite a usé et abusé (légitimement) de ce droit d'amendement dévoyé. On se souvient de Christine Boutin tenant le micro et lisant la bible pendant cinq heures pour s'opposer à la discussion sur le PACS. Aujourd'hui, la droite avoue qu'elle s'est trompée, qu'elle est passée à côté d'une réforme plebiscitée par les Français. Mme Boutin avait raison de défendre son droit d'opposition même si elle avait tort sur le fond.

Mis sous pression par Jean-François Copé et Roger Karoutchi, Bernard Accoyer, le président de l'Assemblée nationale et donc le président de la totalité des députés a admis avoir commis une erreur en ne respectant pas, mardi, l'opposition de gauche. Depuis il a adressé des propositions écrites à Jean-Marc Ayrault, président du groupe PS, qui vont servir de base à une négociation engagée sous le signe du débat, du dialogue et non plus du coup de massue. Cela prouve une chose : l'attitude des députés PS a abouti à un changement d'attitude du président UMP de l'Assemblée. Comme le dit bien Arnaud Montebourg : « l'opposition est là pour empêcher la majorité de faire trop de bêtises. »Piétiner l'opposition démocratique, c'est prendre un risque : que le débat n'ait plus lieu dans les assemblées. Mais dans la rue.

Légende photo : On reconnait François Loncle, député PS de l'Eure, en veste bleue au premier rang, près du perchoir. (DR)

Une arête n'est rien à côté d'une couleuvre

Je n'ai pas l'habitude commenter les décisions du pape. Si j'étais l'une de ses ouailles, je me poserais des questions sur le sens de sa mission. Benoit XVI ne vient-il pas de réintégrer au sein de l'Eglise catholique les intégristes du célèbre Mgr Lefebvre et d'annuler l'acte d'excommunication qui concernait certains évêques, un acte assumé et signé par Jean-Paul II ? Vous me direz, en quoi cela nous regarde-t-il, nous, les laïques qui respectons la liberté de conscience, le choix individuel de chacun de croire ou ne pas croire.
Dans la mesure où l'un des quatre évêques réintégrés, Mgr Richard Williamson, a déclaré publiquement cette semaine que « 200 à 300 000 juifs étaient morts dans les camps de concentration mais pas dans les chambres à gaz », il est devenu une figure de proue des négationnistes. Et cette attitude nous concerne tous. Un ecclésiastique réécrit l'histoire de manière tendancieuse et immonde et en prime il est admis à nouveau à la table du père ! Il y a de quoi s'inquiéter pour le père, ses fils et ses filles et toute la famille. Mgr Vingt-trois, archevêque de Paris, assure que l'arête lui reste au travers de la gorge. Une arête n'est rien à côté d'une couleuvre !

Les embusqués de 14-18 n'étaient pas si nombreux qu'on le croit

Pour échapper à la mort et donc aux combats en première ligne, des Français en bonne santé, en âge de porter les armes, se sont dérobés. Ils ont, par piston, chance, argent, réussi à éviter les tranchées là où ont péri 1000 hommes par jour en moyenne durant la grande guerre. Cette histoire des embusqués, Charles Ridel, professeur agrégé d'histoire au lycée Senghor d'Evreux, est venue la narrer devant un auditoire nombreux, attentif, invité par la Société d'études diverses de Louviers et de sa région. Le fait que Bernard Bodinier et Claude Cornu soient tous deux des historiens de qualité a facilité la rencontre avec Charles Ridel, passionné par ses recherches et sa thèse de doctorat.
Evacuons les clichés. Les embusqués ne furent pas des centaines de milliers d'hommes. La rumeur, la délation, l'utilisation de ce thème par l'extrême droite (entre les deux guerres) ont laissé penser que trop de Français avaient échappé à leur devoir…Surtout quand la République affirmait que l'impôt du sang était versé par tous, à égalité. Des caricatures de l'époque désignaient l'embusqué sous les atours de grands bourgeois monoclés, magnifiquement apprêtés, ayant du succès auprès des femmes (ce qui était intolérable pour les poilus du front) couvert de fausses médailles et susceptibles grâce aux relations et aux moyens matériels de fuir la conscription.
Charles Ridel explique bien ce qu'est une conduite d'évitement ou un embusqué malgré lui. Il fallait évidemment des hommes, à l'arrière, pour assurer les besoins vitaux de l'armée en armes, en nourriture, en vêtements…l'économie de guerre ne fonctionnait pas avec les femmes seules. Il fallait des boulangers, des menuisiers, des ajusteurs, des ingénieurs, des camoufleurs…ils n'étaient pas des embusqués.
Pourtant, de 1915 à 1916, ce sujet préoccupa les gouvernements. Il ne fallait pas ruiner le moral des troupes quand les morts et les blessés n'étaient pas compensés par des avancées significatives sur le front donnant le sentiment d'une boucherie énorme et du peu de cas que faisaient les genéraux de la vie des soldats qui avaient conscience que la guerre serait longue : «Une polémique prit corps dans le pays et le gouvernement entreprit une chasse aux embusqués.»
Les résultats ne furent pas toujours à la hauteur des espoirs. Un chiffre fut avancé justifié par l'application de la loi Dalbiez : plus de 300 000 Français auraient pu, auraient dû être sous l'uniforme face à l'ennemi et ils n'y étaient pas. Pourquoi ? De tous temps, sous toutes les latitudes, quelles que soient les époques, les planqués et les embusqués existèrent. Relativement. Charles Ridel nous apprit avec un certain sourire que l'artilleur lourd était un embusqué pour l'artilleur des canons de 70 (plus proche du front) lui-même embusqué pour l'artilleur sur le front lui-même…tout est relatif.
En 1917, la polémique n'était pas éteinte même si elle avait moins de vigueur. Clémenceau, devenu président du Conseil, se fit un devoir de chasser l'embusqué pour ne pas déprimer le poilu. Et Charles Ridel de nous conter par le menu les techniques d'embusquage utilisées par ceux qui, après deux ou trois ans dans les zones de combat, jugeaient qu'ils avaient assez fait pour la patrie. Le cas de Fernand Léger, artiste peintre, est remarquable. Cet homme, brancardier courageux, a passé trois années à frôler la mort et la souffrance. Que de lettres, que d'actions pour aller dans la section camouflage qui comprenait 5000 artistes peintres comme lui. Mais Fernand Léger, provincial, n'avait pas le bon filon ni les bonnes relations. Toutes ses tentatives pour aller à l'arrière échouèrent. Ajoutons que son galeriste d'avant-guerre n'était autre que M. Kahnweiler, un Allemand de Paris, expulsé de France, et protecteur de Picasso, Van Dongen etc…
Le fait est que le thème des embusqués fut à l'origine de campagnes de diffamation menées par l'extrême droite contre Léon Blum ou Roger Salengro. Ce dernier, en 1936, victime de calomnies, se donna la mort alors que jamais il n'avait fauté ni manqué à son devoir. « Il fut même un prisonnier rebelle pas facile pour les Allemands. » précise Charles Ridel. Et nous n'étions alors qu'à trois années du début de la seconde guerre mondiale qui allait faire connaître à la France d'autres formes de délation et aussi, heureusement, de résistance.

Les auditeurs de la SED et les lecteurs de ce blog intéressés par l'histoire des embusqués peuvent acquérir le livre écrit par Charles Ridel. « Les Embusqués », préface de Stéphane Audoin-Rouzeau, éditions Armand Colin.