11 octobre 2009

Vidéosurveillance en entreprise : la CNIL juge et condamne

Lu sur le blog de Georges Moréas et publié avec son autorisation (1) :
« Le dirigeant d’une entreprise s’est vu infliger une amende de 10.000 euros par la CNIL pour avoir mis en place un système de vidéosurveillance qui, sous couvert de lutter contre les vols, filmait les salariés en continu sur leur poste de le-chien-et-le-reverbere_projetbobfree.giftravail. Et comme son directeur général s’était opposé au contrôle des agents de la CNIL, la société s’est vue en plus condamner par le TGI à une amende de 5.000 € pour délit d’entrave.

Dans ses délibérations, la Commission a considéré que le fonctionnement du système de vidéosurveillance constituait une collecte illicite de données disproportionnée au regard de la finalité. Et elle a relevé plusieurs manquements :

• le système de vidéosurveillance n’avait pas été déclaré à la CNIL ;
• le personnel n’avait pas été informé de l’existence de ce dispositif ;
• aucun affichage ne rappelait les droits des salariés ;
• l’accès aux images enregistrées s’effectuait à partir de postes informatiques non protégés par un mot de passe.

Il est bon de savoir que depuis la réforme de la loi informatique et libertés, en 2004, la CNIL dispose d’un réel pouvoir de sanction, notamment pécuniaire, puisque le montant de l’amende peut atteindre 300.000 €. Ce qui n’exclut pas la possibilité de poursuites pénales. Mais son action « répressive » ne se limite pas à la vidéosurveillance. Ainsi, en 2006, elle a sanctionné plusieurs banques pour l’absence de mise à jour de leur « liste noire », c’est-à-dire le fichier des clients qui ont connu un incident de paiement. Violant ainsi le principe du « droit à l’oubli » consacré par l’article 6-5° de la loi du 6 janvier 1978.

« La vidéosurveillance s’installe partout. Sur la voie publique, dans les transports en commun, sur les lieux de travail… Insidieusement, elle est en train de modifier notre comportement. Vous rêvassez sur l’escalier mécanique du métro, et patatras ! vous levez la tête et vous vous retrouvez face à l’œil inquisiteur d’une caméra. Fin du rêve ! Vous poussez la porte de votre entreprise en programmant votre prochaine RTT et re-patatras ! le patron vous épie de son œil électronique. Idem dans la rue, les magasins… Et qui peut dire aujourd’hui si les répercussions de la vidéosurveillance sur nos attitudes ne seront pas pires que les avantages attendus !

Car insidieusement, c’est un véritable chamboulement qui se manifeste dans notre vie de tous les jours. Nous prenons l’habitude d’être surveillé en permanence, instinctivement nous modifions notre comportement et d’une certaine manière nos pensées changent elles aussi. Un nouvel automatisme apparaît. Un peu comme on prend l’habitude de se méfier du téléphone portable ou de freiner à la vue d’un radar même si l’on n’est pas en excès de vitesse.
À force d’être surveillé, on se sent coupable.
(1) http://moreas.blog.lemonde.fr/

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Excellente émission qu'Interception, le magazine de France Inter du dimanche matin. Elle était ce jour consacrée à la vidéosurveillance(1). Oh ! pardon, non ; à la vidéoprotection. On notera le glissement sémantique généralement utilisé par les partisans de cette technique particulièrement insidieuse. Les poncifs de la question sont passés en revue : 71% des français y seraient favorables... Cela rassure la population... etc. Il apparaît qu'à ce jour, aucune évaluation sérieuse ne permet en France d'affirmer que là où elle a été installée, le nombre des délits a diminué. Mais ce dont on est certain en revanche, c'est que le Ministère de l'Intérieur encourage son développement et compte dessus pour diminuer au cours des prochaines années les effectifs de police et gendarmerie. Au Royaume-Uni, pays qui bat le record mondial du nombre de caméras de surveillance par habitant, les études qui portent sur une durée d'une vingtaine d'années concluent toutes à son échec. La vidéosurveillance n'a pas empêché les attentats de Londres pas plus qu'elle n'a fait reculer la délinquance. Celle-ci se déplace, se transforme et s'adapte... Mais en France, quand il nous sera interdit de porter barbe, casquette, chapeau ou encore de relever le col de son manteau, il sera trop tard. Ainsi vont les libertés qui ne sont pas défendues.
Reynald Harlaut

(1) "Caméras en débat"
Pour réécouter l'émission :
www.radiofrance.fr/franceinter/em/interception