30 octobre 2008

Vidéosurveillance : l'incapacité du pouvoir à apporter de vraies réponses aux problèmes posés

(de gauche à droite )Sophie Ozanne, Claudine Batard, Gilles Bethon, Dominique Guibert, Christian Renoncourt. (photo JCH)
De nombreux maires se sont lancés dans la vidéosurveillance. A quoi est dû cet engouement ?
A cette question d'un journaliste du « Monde » Thierry Rousselin, ancien directeur de programme à la DGA (Direction générale de l'armement) et auteur du livre « sous surveillance » coécrit avec Françoise de Blomac, spécialiste des nouvelles technologies de l'information, répond : « C'est irrationnel. Pourtant, il n'existe pas de travail de recherche qui confirme l'efficacité des caméras. Très souvent, derrière les systèmes technologiques de surveillance, il y a l'incapacité du pouvoir à apporter de vraies réponses aux problèmes posés. On installe des caméras parce que c'est très visible et que cela coûte moins cher que d'embaucher des gens et de conduire un véritable travail de terrain. »
Le décor est planté. Dominique Guibert, secrétaire général adjoint de la LDH (Ligue des Droits de l'Homme) présent à Louviers, mardi soir, confirme l'inutilité et l'inefficacité des systèmes de vidéosurveillance qui posent bien plus de problèmes qu'ils n'en résolvent. La vraie question directement posée au maire de Louviers, venu débattre contradictoirement, est celle-ci : « Ne pensez-vous pas conforter, consciemment ou non, la politique sécuritaire actuellement menée par le pouvoir d'Etat et le contrôle social de populations stigmatisées qui sont, en fait, les deux faces d'un même danger ? »
La hauteur de la question aurait dû conduire Franck Martin à plus d'égards pour l'invité du collectif anti-vidéosurveillance. Il aurait pu se dispenser de qualifier les membres de la LDH de « bonnes âmes » ou de «Tartuffes » et d'interrompre sans cesse les intervenants. D'ailleurs, au fil du débat, le maire a reconnu que l'implantation de caméras dans les quartiers symbolisait « l'échec » de sa politique. Face à cet échec, comment réagir ? Michel Doucet, s'appuyant sur des statistiques nationales non contestées assure : « La ville de Louviers se situe dans la moyenne nationale de la délinquance. Cela ne justifie aucunement l'implantation de caméras. Au cours des porte à porte et de notre travail d'explication (1) les Lovériens comprennent bien que ces dépenses sont inutiles et le système encore plus. face à cette réalité, tu dois admettre t'être trompé. »
Auparavant, Gérard Prévost, Christian Renoncourt, Sophie Ozanne, Claudine Batard et moi-même avions abordé différents aspects du problème de la vidéosurveillance : la ville de Louviers ne répond pas aux obligations légales en matière d'information des habitants. Et la liberté individuelle ? Et le droit à l'image ? Et le contrôle des contrôleurs d'images ? Dominique Guibert affirme que « des politiques publiques spécifiques appréhendent toujours plus de populations problématiques avec un point commun : elles concernent des populations qui sont sans exception pensées aujourd'hui comme à la fois vulnérables et menaçantes. »
Franck Martin s'est appuyé sur une statistique policière pour conforter ses choix. Thierry Rousselin remarque : « l'effet est très faible en matière de prévention, de dissuasion (2) surtout sur les atteintes aux personnes souvent dues à des gens au comportement impulsif qui se fichent bien de savoir s'ils sont filmés. »
Pour Dominique Guibert, les interrogations couvrent un champ plus vaste : la société tout entière « admet » de plus en plus d'être contrôlée, filmée, enregistrée, pistée. Téléphone portable, carte navigo, repérage à distance, écoute à distance. Moi-même, j'ai déploré ce ramollissement de la vigilance et ce « tranquillisant » démagogique qu'est la vidéosurveillance. Jacky Bidault, adjoint au maire, le reconnaît : « les gens attendaient une réponse. Nous leur apportons une réponse. »
Finalement, le maire n'équipera pas prochainement le quartier de Maison-Rouge. Le Centre-ville devrait être classé en numéro 2 après les Acacias…mais la situation financière de la ville va ramener le maire à la raison. Façon détournée pour l'ancien correspondant sportif de « La Dépêche » d'admettre qu'il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Une première victoire aussi pour notre collectif dont les objectifs n'ont rien à voir avec un « complot » mais visent à défendre des droits et des principes qu'une municipalité dite de gauche doit faire siens.

(1) Le maire m'a accusé publiquement d'affirmer que le coût de la vidéosurveillance ferait doubler les impôts ! Accusation totalement fantaisiste sortie d'une imagination déchainée.
(2) Nicole Morel a demandé au maire si les délinquants qui avaient cassé l'abribus des Acacias (situé près d'une caméra) à deux reprises avaient été identifiés ? Le maire n'est pas informé.

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