22 mai 2008

La vidéosurveillance au menu du prochain conseil municipal

Dans un tract du second tour des élections municipales devenu célèbre, le maire de Louviers titrait : « la sécurité du quartier passe par la victoire de Franck Martin » et, s'empressait-il d'ajouter « par la vidéosurveillance ». Il poursuivait : « que se passera-t-il si M. Renoncourt fait battre le maire, les Acacias seront-ils privés de caméras ? » Comme on est privé de dessert ? Quelques paragraphes plus haut nous avions eu droit à toute la sémantique sécuritaire. On y trouvait les mots suivants : « comment oublier les événements de novembre 2005…le maire et les élus ont patrouillé, de jour comme de nuit…pour dissuader les voyous…Il est intolérable que votre quotidien soit gâché par un sentiment d'insécurité, par la peur que vos voitures soient prises pour cibles…» Ce tract a marqué les esprits eu égard au langage utilisé qu'on trouve habituellement sous la plume d'une droite dure et non sous celle d'un homme de gauche qui doit faire attention aux mots qu'il utilise pour soigner les maux dont il parle.
Pas d'angélisme. Pas d'aveuglement. Il n'est pas question, dans notre propos, de nier la réalité d'une délinquance adolescente voire plus mure qui porte atteinte à la tranquillité collective. Et qu'on ne me fasse pas le coup du bobo privilégié, car moi aussi j'ai été cambriolé à deux reprises et je ne suis pas devenu pour autant un partisan de la peine de mort.
J'ai publié, il y a quelques semaines, dans ce blog, un long article expliquant, statistiques et bilan à l'appui, les limites et les dangers de la vidéosurveillance. La population est pourtant majoritairement favorable à ce système que de nombreux maires de gauche et de droite mettent en place dans leur commune. Certains dans les transports urbains (là il est dissuasif) d'autres pour surveiller des parkings, d'autres encore dans des quartiers dits difficiles « pour rassurer la population et lutter contre le sentiment d'insécurité. » La population croit parfois ce qu'on lui assène comme des vérités et j'ai assez d'expérience pour connaître les limites médiatiques de répétitions d'arguments qui, pour autant, de deviennent pas des réalités.
Le conseil de l'Europe, à l'échelle européenne donc, la CNIL (en France) des chercheurs sérieux ont fait le point sur la vidéosurveillance et les différentes techniques utilisées. Le bilan en terme de répression est quasi nul. Le cadre juridique existant, d'autre part, ne protège pas suffisamment la liberté individuelle surtout quand les citoyens ne savent pas quels sont leurs droits et comment ils peuvent les exercer. Les améliorations considérables des objectifs, des logiciels, la numérisation et les enregistrements peuvent sortir du cadre légal quand ils sont mis dans des mains non innocentes voire dans celles de financiers peu scrupuleux. Le problème essentiel, au-delà de l'aspect politique et démagogique, demeure le contrôle des images enregistrées. Quand les regarde-t-on ? Qui les regarde ? Pour en faire quoi ? On sait que des fichiers papiers devant être détruits dans un délai impératif ne le sont pas. Qui nous garantit que les images seront elles aussi détruites passé le délai légal ?
Reste un autre aspect non négligeable. Le conseil municipal réuni lundi 26 mai à 18 h 30 dans la salle Pierre Mendès France doit approuver une convention liant l'Etat et la ville dans le cadre de la vidéosurveillance. L'accord du préfet est, en effet, obligatoire et on voit mal un préfet aux ordres d'Alliot-Marie et de Sarkozy refuser à la ville de Louviers, la mise en place de la vidéosurveillance. Le fait est que tout cela coute très cher et que les finances municipales lovériennes (en difficulté) devraient être réservées à d'autres projets plus consensuels et réellement tournés vers la jeunesse considérée avec confiance (même si ce n'est pas toujours acquis) et non avec suspicion ou stigmatisation.
Le seul passage honorable du tract de Franck Martin est le suivant : « Toujours, avec la même détermination, les médiateurs sociaux poursuivent leur travail de prévention sur le terrain, auprès de vous. » Voilà le discours qu'il faut tenir. Un service à développer. Seuls les rapports humains peuvent venir à bout des conflits humains. On n'a jamais vu une caméra entrer en conversation avec un délinquant. Sauf en Angleterre où certaines caméras sont équipées de moyens permettant d'interpeller verbalement les passants ! On n'arrête pas le progrès ! Et visiblement, les votes démagogiques non plus.

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